Océzo, des makers 2.0, pour retaper & coder
Quelques livres de sciences que j'aimerais mettre en avant :
- La mélodie secrète de Trinh Xuan Thuan
- La théorie du chaos de James Gleick
- Le hasard et la nécessité de Jacques Monod
- Thinking fast and slow de Daniel Kahneman
- Kepler de Philippe Depondt et Guillemette de Véricourt
- Le Grand Roman de la physique quantique de Manjit Kumar
- La partie et le tout de Werner Heisenberg
- La structure des révolutions scientifiques de Thomas Kuhn
- L'oeil qui pense de Roger Shepard
- Comment je vois le monde d'Albert Einstein
- En cherchant Majonara d'Etienne Klein
- ...
Ainsi que d'autres grand public :
- Une vie de Simone Veil
- Si c'est un homme de Primo Levi
- Effondrement de Jared Diamond
- ...
Et ce blog que j'aime beaucoup :
- La lecturienne
Essai où l'auteur s'en prend à la morosité occidentale contemporaine et cherche à réhabiliter le "principe
d'espérance" qui, d'après lui, a tiré l'Europe depuis le Moyen Âge. Pour cela, il s'appuie sur des arguments
tour à tour théologiques, philosophiques, économiques, politiques, historiques et géographiques (que du lourd !
:$). Son but est d'éclairer le présent à la lumière de ce passé bien particulier. Car, en dépit de l'énorme
mutation en cours : économique, numérique, biologique et écologique (rien que ça ! :$) il nous enjoint de
rester lucides et de nous tourner vers "ce qui sauve" (cf.
Hölderlin),
à l'instar des anciens en leur temps. Voilà pour le résumé, maintenant voici mon ressenti.
Fondamentalement, je suis d'accord avec Jean-Claude Guillebaud (en tant que bon client, ma mère m'ayant déjà
offert trois de ses essais : La Refondation du monde, Le Principe d'humanité et La force de conviction, tous
très intéressants). Cependant, désormais, c'est typiquement le genre d'ouvrage qui m'énerve... :$ ! Je m'explique.
C'est bien écrit, bien pensé, mais au fond bourré de "yaka fokon" faute de propositions concrètes et d'exemples
réalistes. D'abord, je ne suis pas sûr que ce principe ait été suffisant à l'avènement des "Lumières". Par exemple
je doute fort qu'il ait inspiré la gravitation universelle de Newton (mais sûrement qu'un passionné d'histoire, de
sciences et de théologie me contredrira ! ;D). Ensuite, comme le "progrès" résulte de nombreux "sauts", plus ou
moins importants, je trouve naïf de croire que ceux-ci poursuivent toujours des buts humanistes (malheureusement).
Après tout, les Hans ou les Incas étaient-ils si éloignés que ça de l'algèbre moderne ou de la thermodynamique ?
Je ne sais pas. Mais à 5000 ans près, soit une paille à l'échelle géologique, je ne pense pas. Du coup, le problème
d'un anthropocène "éphémère" aurait-il été si différent (mathématisation des lois physiques, mondialisation, réchauffement
climatique, 6ème grande extinction, etc.) ? Eh bien non, tôt ou tard l'humanité aurait dû afronter les mêmes défis
(je vous laisse le soin d'imaginer les scénarii possibles). Du coup, toutes ces considérations sur l'étincelle
"occidentale" me paraissent soit "useless" soit "trollesque". En bon européen que je suis, féru de sciences, je
comprends parfaitement les enjeux du présent mais je cherche des solutions, pas des postures. Bref, c'est peut-être
le symptôme d'un livre de journaliste (formé à Sciences Po, comme ma mère avec qui je je m'engueule souvent ! :$), pas
vraiment "technicien" car pas assez les "mains dans le cambouis" (ce qui m'intéresse). Voilà, je suis donc resté sur
ma faim.
Au fond, je crois en l'incarnation de solutions (nécessairement) imparfaites (exactement comme dans le film
Demain). Aussi, si vous lisez cette chronique et que vous vous lancez
dans l'étude d'un écosystème fragile, que vous vous surprenez à programmer un problème complexe ou que vous expérimentiez
un petit potager, je serai toujours là pour applaudir ! Car c'est la confrontation de nos rêves avec le réel qui rend les
choses belles (car plus drôles, faillibles, en somme humaines ! ;D). Voilà, j'espère ne pas trop vexer M. Guillebaud (pour
qui j'ai un immense respect) mais voilà, c'est dit. Peace :D !
Une biographie passionnante où j'ai énormément appris et que je recommande vivement ! Elle n'est pas juste le
portrait d'une vie exceptionnelle mais aussi de toute une époque où une nouvelle interprétation de la physique
émerge (relativité générale et mécanique quantique) avant de connaître le péché en 1945...
Dans un style extrêmement accessible (un plaisir !) l'auteur s'attache à expliquer la théorie de la relativité
(restreinte puis généralisée), sa génèse et ses enjeux. On se délecte des expériences de pensées d'Einstein qui
l'ont conduit à se passer de l'"éther luminifère". Les contradictions entre mécanique galiléenne et électromagnétisme
sont exposées de façon lumineuse (et si j'ai bien compris quelque chose à la relativité restreinte c'est grâce à
ce livre, pas aux multiples dossiers S&Vie Junior de mon enfance !). Les inombrables anecdotes rendent les choses
très drôles aussi. On saisit les subtilités épistémologiques entre grandes nations scientifiques européennes (Allemange,
Angleterre, France). Aux allemands la "profondeur philosophique", aux anglais la "sensibilité expérimentale" et aux français
la "puissance mathématique". Si ces clichés ne sont pas complètement infondés ils ont malheureusement été utilisés à très
mauvais escient, tant pour rejeter, d'abord, que pour revendiquer, après, la nouvelle théorie (à se rouler par terre !).
Même chose pour les idéologies nazie et marxiste prétendument antagonistes à travers leurs axiomes philosophiques (idéalisme
transcendantal contre matérialisme immanent... ou délire de la raison rationaliste... :$... avant Gödel ! :O). Pour le juif
pacifique et indépendant qu'était Einstein toutes ces justifications a posteriori avaient sûrement un goût (très !?) amer. Mais
il semble qu'il ait toujours pris le parti d'en rire (jaune !?). Ce qu'il cherchait avant tout c'était la "simplicité logique"
d'Ernst Mach (jusqu'à la veille de sa mort dans sa quête d'une "théorie du tout").
En contrepoint d'une science en ébullition (voir les chauds débats avec les théoriciens de la mécanique quantique qui le
laissait insatisfait philosophiquement), ce livre n'occulte rien de la tragédie du XXe siècle non plus. On voit très bien
comment l'arbitraire s'est progressivement immiscé dans les universités allemandes. Et on découvre avec horreur comment
les "juifs" ont été petit à petit ostracisés dans une apathie générale. Même Einstein qui avait un statut d'icône et de
solides relations (comme Planck, son indéfectible soutien) s'est retrouvé complètement isolé à Berlin après 1933 (mais
personne n'osait contester Hitler en haut lieu !!!) et donc a fini par fuir aux Etats-Unis. Bref, on voit de près comment
les vociférations de certains, comme Philipp Lenard, ouvertement antisémite, ont réussi à tuer la scène intellectuelle au
nom d'une Deutsche Physik fantasmée :$... Tout cela fait froid dans le dos... Et résonne terriblement avec notre époque je
trouve (je pense à la montée des populismes mais aussi à la "foi" délirante des techno-scientistes...) :$... La conséquence
c'est qu'une grande partie du monde scientifique européen a trouvé refuge aux États-Unis. Mais ce pays qui était jeune,
conquérant et naïf a lui-même très vite été rattrapé par la peur de l'holocauste nucléaire. Ainsi Einstein s'est beaucoup
consacré à la défense de la paix à la fin de sa vie. Voilà. Ce livre de Philippe Frank, qui a très bien connu Einstein,
gagnerait donc à être mieux connu.